15/09/2010

We are the world




Récemment je me suis attardé sur ce reportage britannique qui traite du syndrome Michael Jackson dit de la "deracialisation" , ou "westernisation" (en anglais dans le texte). Autrement dit de ces personnes qui modifient leurs caractéristiques génétiques pour rejoindre l'"archétype de beauté caucasienne".
La vidéo suit trois cas.
-Jet, jeune fille noire vivant dans un cartier huppé, souhaite un nez plus "européen » à la manière de la poupée Barbie.
-Tahira, une mère de famille originaire du Bengladesh n'accepte pas sa couleur de peau et tente par tous les moyens de l'éclaircir.
-Mun, un mannequin d'origine indienne, estime que son type physique est un obstacle dans sa carrière. "Ce n'est pas attirant d'être indien", dit-il. Il envisage donc de refaire son visage (affiner d'avantage son nez, et marquer les contours de son menton).

Cité comme un modèle par les différents protagonistes, Michael Jackson est l'exemple de "deracialisation" le plus connu au monde :


Ce genre de reportage a tendance a attirer deux types de réactions qui rivalisent en matière de bêtise. D'abord les inévitables gros cons : "ah ben c'est normal, on est des blancs, on est les plus beaux". Bon.

D'autre part, la réaction inverse qui se veut tolérante "Han c'est trop mal de vouloir changer son physique, il vaut mieux s'accepter tel qu'on est nianiania".
La pierre est d'autant plus facile à jeter qu'aucun des "cobayes" présenté dans la vidéo n'a un physique ingrat. Le choix de ces personnes d'ailleurs n’est pas anodin. Le reportage étant tourné de manière à dénoncer cette "deracialisation" (images choc soigneusement triées, phrases choc...), la réaction du petit moralisateur scandalisé est celle qui est attendue au tournant. Evitons donc la facilité. Bien sûr qu'on ne peut cautionner des propos comme "c'est pas beau d'être noir", cela va de soi. Bien sûr qu'il est triste de voir des gens dénigrer leur visage au nom d’un idéal très relatif. On est tous d'accord avec ça. Mais les choses ne sont pas si évidentes.

A propos d’idéal relatif... Quand j'étais gamine, ma Barbie préférée à qui je rêvais de ressembler avait la peau mate et les cheveux noirs. Comme quoi on veut toujours ce qu'on n'a pas !



Bref, pour en revenir au sujet je ne suis pas pour condamner la chirurgie, ni ceux qui y ont recours. D’une part, s’il y a bien un truc qui m'énerve, c'est cette sacralisation du "naturel" comme si toute modification volontaire apportée au corps était un crime inqualifiable. Contre qui ? Contre quoi ?

Ensuite parce qu’il n’est pas aisé d'assumer des traits que l'on juge inesthétiques et là, pour le coup, ça regarde chacun. Si tous les matins, dans votre miroir, vous avez le sentiment de voir un monstre, vous vous fichez de la bonne morale, vous voulez vous trouver beau, point. En théorie tout le monde voudrait s’accepter tel qu’il est ! En pratique c’est une autre histoire. De ce fait, la chirurgie peut-être un remède au malaise intérieur.
Je dis bien « peut » ; j’ai conscience que n’est pas forcément la solution miracle, ni l’unique alternative.

Enfin j’ai envie de dire que s’il faut lancer la première pierre, ce n’est pas à ces gens qui passent sur le billard mais à ceux qui plus ou moins consciemment ont généré leur mal-être. Souffrent-ils d’ailleurs ? S’il est clair que Tahira ou Mun sont mal dans leurs baskets, le cas de Jet est plus discutable. Quoiqu’il en soit, quelques causes au problème identitaire sont citées dans la vidéo. Il y a d’une part une raison historique, la domination culturelle exercée par l’Ouest durant des siècles, domination qui quelque part continue de se poursuivre via les médias, la mode etc. Vous constaterez par vous-même que le physique des stars mondiales y compris les stars de couleur ( Beyoncé , Naomi Campbell etc) est normalisé sur le « modèle caucasien » : cheveux lisses, longue silhouette mince, nez fin etc…Avec un tel matraquage, les complexes ne sont pas difficiles à expliquer ! Et même si aujourd’hui, la société commence à prendre du recul, en mettant en valeur par exemple des femmes comme Gabourey Sidibe (l’actrice de « Precious ») , la mode reste très (trop) uniformisée. Malaise.

Gabourey Sidibe


Ensuite, il y a le racisme. Jet et Mun par exemple ont été victimes de violence (physique et verbale) à cause de leurs origines. Depuis, ils portent leur héritage culturel comme un fardeau. Malaise.

Enfin il y a la pression sociale, le désir de s’intégrer dans une « caste ». La vidéo explique par exemple que dans la société du Bengladesh, la beauté est jugée à la clarté de la peau : une peau foncée est associée aux classes « inférieures ». Grand malaise !

Doit-on être indifférent à ce phénomène en affirmant qu’il fait partie de la globalisation ?
Doit-on y voir le signe (et la conséquence) de réels dangers tels que la discrimination raciale ?
Cette vidéo me laisse assez partagée. A la fois j’ai de l’empathie pour ces trois jeunes gens. Si j’avais de l’argent, je n’aurais pas de scrupules à faire ravaler ma façade, quitte à renier un bagage génétique que de toute façon, je n’ai pas choisi et que par conséquent, je ne suis pas forcée d’accepter.
A la fois ce reportage révèle des faits assez alarmants. Apprendre qu’en Angleterre, au 21e siècle, il est possible de se faire tabasser parce qu’on est d’origine étrangère, ça file la nausée.
Apprendre qu’on juge encore des gens à leur teinte de peau est effrayant également.

Que des gens changent de peau, de nez ou même de sexe, personnellement, je m’en fiche. Reste à savoir pourquoi ils le font, et quand le regard des autres (voire les poings des autres…) est clairement en cause, ça fait réfléchir !
Qui sait si un jour, les pigeons ne teindront pas leur plumes pour éviter les becs de corbeaux…

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